The Walking Dead RPG : premières parties, premières impressions, une vraie réussite de Free League !
Le 27 juin 2023 a été livré en PDF pour les backers, la version quasi finale, bêta, de The Walking Dead RPG chez Free League. Après lecture, j’ai pu faire jouer ma table principale.
Inutile de créer un suspense artificiel : les sensations de jeu sont tout simplement excellentes !
La mécanique de menace zombie semblait déjà originale sur le papier mais une fois prise en main, elle apparaît parfaitement conçue. Non seulement elle permet de recentrer totalement les parties sur les interactions entre personnages mais elle aboutit à la création d’une tension lors des jets de gestion de menace de marcheurs qui est énorme. Il s’agit vraiment d’un tour de force de narrative design qui crée constamment des situations ludico-narratives fortes : les zombis sont omniprésents, entraînant à chaque montée de menace une réelle situation problème, mais le cœur du jeu et de toutes les actions reste les joueurs et la façon dont ils vont gérer la menace. Un minimum de jets pour un maximum de jeu. On pouvait craindre que cette mécanique soit trop lourde à gérer pour le MJ mais à l’usage, pas du tout. C’est la bonne surprise. La mécanique pousse même ainsi à utiliser intelligemment la menace. Avec un peu de mise en scène, l’immersion est très forte.
Le « théâtre de l’esprit » cher à Free League fonctionne à plein. L’écriture du jeu colle parfaitement à l’univers et à l’esprit de la série ou des comics. Un fan s’y retrouvera immédiatement. Un néophyte y entre sans peine. Ultime preuve s’il en est, l’autre coup de génie réside dans le « monologue à nos chers disparus », que doit formuler l’un des joueurs en début de session. Ce résumé subjectif de la partie précédente crée immédiatement l’immersion autour de la table et donne une tonalité propre à ce qui a été joué, tonalité qui en dit beaucoup sur le personnage interprété par le joueur (tristesse, ironie, humour noir, colère etc). À noter que sur le premier monologue, il y a eu une gêne, personne ne voulait se jeter à l’eau, mais le bonus potentiellement important donné en XP à celui qui s’en charge aboutit rapidement à ce que finalement les joueurs cherchent à s’imposer pour le jouer, même si l’exercice peut sembler en apparence délicat.
Le reste du système est hyper léger et son écriture, son positionnement, poussent beaucoup au Role Play et même à la co-narration. Ce choix soulage beaucoup le MJ et le sort d’une fonction qui pourrait être sadique car le joueur est incité à décrire non seulement ses réussites mais aussi ses propres échecs aux dés, aux conséquences souvent rudes voire mortelles. Toutes les actions de confrontation sont implacables, tout « foirage » (« mess up » soit tirer un marcheur sur son dé de stress) peut vraiment tourner à la catastrophe pour tout le groupe avec un effet domino incontrôlable. Même une action en apparence anodine mérite attention. La tension est permanente. Les dilemmes, souvent l’occasion d’échanges animés, tendus. Les joueurs intègrent très vite la létalité du jeu et agissent en conséquence. S’il leur arrive de l’oublier, la pression poussant naturellement à la détente et aux blagues, la mécanique les rappelle à l’ordre : elle fonctionne si bien que j’ai rarement vu un retour au sérieux s’effectuer si spontanément à une table…
A noter qu’un échec aux dés ou un « foirage » reste positivé : l’action est réussie mais elle finit mal pour le joueur… qui est incité à la narrer. Ce n’est pas si courant dans un jeu de rôle et cela change beaucoup les situations en partie. Les joueurs ont beaucoup apprécié. La prime à l’action est totale. Les actes désespérés, rendus souvent héroïques, sont favorisés par ce parti pris. La coopération, parfois difficile, est dynamisée, notamment grâce aux dés d’aide classique du système YZE.
A l’évidence, le jeu a été conçu pour des débutants via ses mécaniques très légères. Le livre de base est mince, environ 180 pages, et va droit au but avec une grande pédagogie et beaucoup d’exemples. Les pages consacrées aux règles pures et dures n’occupent qu’environ un tiers si on enlève les très nombreuses tables, actions de jeux détaillées etc. Néanmoins, des joueurs expérimentés y trouvent aussi largement leur compte en exploitant toutes les subtilités du jeu, du roleplay, des mécaniques. Enfin, je craignais que les combats ou les confrontations avec les zombis ne soient compliqués à gérer sans carte systématique (qui se trouve où ? qui fait quoi ?) mais je n’en ai dessiné qu’une, tout le reste s’étant réglé uniquement en mode narratif très haletant. Idem pour la mécanique spécifique de combats de groupes qui semble un peu particulière à la lecture mais fonctionne très bien et peut s’adapter au cas par cas selon les situations. C’est aussi une étonnante surprise, réussie, pour les joueurs et le MJ.
Les points forts du jeu sont nombreux. Les joueurs vivent une expérience forte. Les parties ont toutes généré plusieurs situations mémorables, pas forcément là où on les attendait. Le MJ prend aussi beaucoup de plaisir et se trouve soulagé d’une fonction par trop négative, du fait de la dureté de l’univers de The Walking Dead, grâce à la co-narration. Tout est ramené aux choix et actions des joueurs seuls. Ils en assument toutes les conséquences, qu’ils décrivent le plus souvent possible. Le MJ pose et maintient le cadre dur, implacable et, il faut le dire, désespéré. Il y est aidé par toutes les mécaniques de jeu, dont la désormais célèbre mécanique de stress de Free League, qui y participe beaucoup. Néanmoins, les deux mécaniques originales que sont la gestion de la menace zombie mais aussi le monologue introductif sont des marqueurs très forts du jeu. La mécanique de séquelles psychologiques peut sembler faible mais on est libre de l’appliquer avec l’intensité que l’on souhaite et rien n’empêche de la durcir. Il ne faut pourtant pas oublier que le jeu est déjà très mortel.
Deux scénarios joués en quatre séances de trois à cinq heures, sur table en présentiel.
Premier scénario :
Adaptation rallongée de l’excellent « House » du non moins excellent Johan Scipion paru dans Sombre n°1. Le pitch du scénario reste le même mais toute l’histoire est jouée en totalité, c’est à dire que la partie débute dans le supermarché aménagé en camp retranché dans les premiers mois de l’effondrement, tel qu’évoqué en une ligne dans la proposition originale. (trois séances)
Deuxième scénario :
« The golden ambulance » inclus dans le livre de base. Bon petit scénario, simple, en forme de situation problème qui peut être joué pour une première partie découverte ou en insert dans un scénario voire transition entre deux scénarios plus amples comme ce fût le cas ici, avec les survivants du premier scénario. (une séance)
Personnages et joueurs :
Un groupe de 6 personnages, quatre PJ et deux PNJ dont une gamine de cinq ans (PNJ) qui est le lien commun, l’ancre commune, des personnages. L’âge des personnes incarnant les PJ allait de 15 à 42 ans. (15, 17, 38, 42 ). Les plus jeunes joueurs ont déjà une solide expérience de JDR, jouant depuis trois ans et étant parfois meneurs (The Expanse, Capitaine Vaudou). Les joueurs plus âgés ont moins d’expérience de jeu de rôle (quelques parties d’Heroic Fantasy sur système maison, mix de 5E/Terres d’Arran, et surtout Appel de Cthulhu en YZE fait maison aussi). Le MJ pratique le JDR depuis 35 ans avec une pause de 20 ans (Reprise vers 2012)
Relation du groupe à l’univers The Walking Dead et au YZE :
Seul le MJ a suivi toute la série TWD ainsi que des séquelles, préquelles, spin-off etc ainsi que d’autres films et séries de zombis Les joueurs ne sont pas des fans de The Walking Dead, n’ont pas vraiment suivi la série et au mieux à peine feuilleté les comics. Par contre, ils sont déjà pratiquants et demandeurs de JdR horrifiques. Ils réclamaient de jouer dans un univers zombi. Concernant le YZE, il s’agit d’un groupe de joueurs qui est habitué au YZE et l’apprécie beaucoup.