Cette critique se propose d’examiner la boîte et le livre de base du jeu de rôle Dragonbane.
Dragonbane est un jeu de rôle médiéval fantastique Suédois dont la première édition est parue en 1982 sous le doux nom de Drakar och Demoner, soit Dragons et Démons. C’était une traduction du jeu de rôle Magic World de Chaosium, basé sur leur système maison Basic Role-Playing, qui a motorisé L’Appel de Cthulhu, RuneQuest et autres Stormbringer ou Hawkmoon. C’était donc à l’origine un jeu basé sur un système avec dés de pourcentage.
Ce jeu a été très populaire en Suède au début des années 1980 et a initié nombre de joueurs Suédois au jeu de rôle, un peu comme L’Œil Noir en Allemagne. Il a connu sept éditions avant celle qui nous intéresse. À partir de 1985, son système a migré vers du D20. En 1994, la cinquième édition a proposé la description d’un univers pour le jeu.
L’édition actuelle est proposée par Free League qui a racheté les droits. Elle n’est pas motorisée par le Year Zero Engine, le moteur maison de Free League qui anime la plupart de ses jeux. Elle garde le système D20 des précédentes éditions, mais avec beaucoup de sous systèmes venant de leurs jeux précédents. Elle a été localisée par Arkhane Asylum suite à une campagne de précommande participative en mars 2024.
Le livret de règle de la boîte et le livre de bases sont identiques si ce n’est l’ajout d’un court scénario à la fin du livre de base. Hormis ce scénario (Le Chateau du Chevalier Brigand, assez court, sur 7 pages), le sommaire des deux ouvrages est le suivant :
Le système de jeu est un système D20 avec lequel on doit faire inférieur ou égal à la valeur de la compétence. Un 1 (ou Dragon) est un succès critique et un 20 (ou Démon) est un échec critique. On peut y voir un descendant du système D%, avec des paliers de 5%. Les valeurs de départ des compétences dépendent des valeurs des caractéristiques, avec une table établissant la correspondance.
Il est possible de forcer des jets pour relancer les dés, mais cela donne un État lié à une caractéristique. Par exemple l’État Épuisé est lié à la Force. Donc si on force le jet d’une compétence, le personnage sera affligé d’un État de son choix. S’il choisit l’État Épuisé alors tous les jets ultérieurs d’une compétence liée à la Force seront pénalisés d’un fléau : on lancera deux D20 et l’on prendra la valeur la plus haute (et donc la moins favorable). À l’inverse, les circonstances peuvent donner une faveur à un jet, auquel cas on jettera deux D20 et on prendra la valeur la plus basse (et donc la plus favorable).
Il y a 6 caractéristiques (Force, Constitution, Agilité, Intelligence, Volonté et Charisme) et deux valeurs dérivées : les Points de Santé (ou PS) et les Points de Volonté (ou PV). Il y a 20 compétences généralistes et 10 compétences de combat pour les différents types d’armes. Les dégâts sont gérés de manière classique : les dégâts des armes sont donnés par des jets de dés (un couteau fera 1D8 de dégâts et une hache de bataille 2D8 par exemple) auxquels on ajoute un bonus qui dépend de la Force ou de l’Agilité.
Les Points de Volonté sont dépensés pour utiliser les Capacités Héroïques ou lancer des sorts. Les Capacités Héroïques sont des talents qui sont spécifiques aux Familles des personnages à la création (le terme du jeu pour désigner les espèces des personnages, Nains, Elfes, Humains, etc…). Elles peuvent ensuite être acquises lors de la progression des personnages. Les sorts sont regroupés par écoles de magie (Animisme, Élémentalisme et Mentalisme), qui ont chacune une compétence spécifique.
L’expérience est gérée comme dans le BRP (et L’Appel de Cthulhu par exemple) : lorsqu’on réussit un jet de compétence, ou si l’on obtient un démon, on doit cocher la case correspondante. À la fin de la partie, les joueurs peuvent tenter d’améliorer les compétences cochées en faisant un jet de la compétence correspondante. Si le dé donne un résultat strictement supérieur à la valeur de la compétence (et donc si le jet est raté), la compétence progresse d’un point, avec un maximum de 18. Lorsqu’une compétence atteint 18, le personnage gagne une nouvelle Capacité Héroïque.
Les monstres (c’est à dire les adversaires non humanoïdes) sont gérés comme dans la plupart des jeux Year Zero Engine : on détermine leur action en combat par un jet sur une table, ou en choisissant une entrée adaptée à la situation. Cela permet une grande variété dans les combats et change du sempiternel “Je tape, tu tapes, il tape, …”. Par contre, les combats sont assez mortels et les joueurs apprendront vite qu’il vaut mieux parfois négocier que risquer la vie de son personnage à chaque coin de donjon.
Le système est assez modulable dans la mesure où nombre de règles sont optionnelles, comme forcer un jet ou les types de dégâts des armes. Sans les règles optionnelles, le système est assez simple, mais peut vite se compliquer si l’on applique les règles comme les types de dégâts des armes qui ont une influence sur l’efficacité de certaines armures.
Si le système garde la saveur de ses versions précédentes, on sent clairement la patte Free League dans la gestion des monstres, la possibilité de forcer des jets et bien d’autres sous systèmes issus du Year Zero Engine. La greffe a bien pris et le tout reste très cohérent et agréable à jouer. Néanmoins, les habitués du Year Zero Engine pourront regretter le nombre (trop ?) important de compétences qui sont triées alphabétiquement sur la feuille de personnage. Il n’est ainsi pas toujours évident de faire le lien avec la caractéristique associée et un éventuel État qui imposerait un fléau au jet.
Le système a aussi clairement une saveur old school (oserais-je dire OSR ?) : les personnages peuvent y mourir assez facilement, les caractéristiques sont tirées aux dés à la création, l’univers est assez minimaliste et on arpente parfois de bon vieux donjons… Mais le système n’en reste pas moins moderne. Chez Free League on parle de Mirth and Meyhem Roleplaying, que Arkhane Asylum a traduit par Exultation et Destruction dans un Univers de Fantasy. Personnellement j’aurais traduit par Joyeux Bordel, mais ce n’est pas très convenable :o) Bref, Dragonbane n’est pas un jeu pour se prendre la tête, il est fait pour s’amuser dans une ambiance old school assumée.
L’univers est assez minimaliste : seule une vallée, Valbrume, est décrite et son histoire évoquée brièvement. C’est un setting médiéval fantastique très classique avec toutes les espèces que l’on voit partout : les humains, les elfes, les nains, les halfelins. Mais il y a aussi un peu d’originalité avec les lupins (des hommes loups) et des colverts, des canards anthropomorphes. Ces derniers sont clairement un reste de l’héritage Chaosium du jeu : on retrouve de telles espèces dans RuneQuest.
Toute la campagne de la boîte se déroule dans la vallée de Valbrume. Les personnages s’y aventurent car les orcs qui l’infestaient fuient et les aventuriers se pressent de toutes parts pour explorer les ruines de l’ancien empire que l’on dit remplies de trésors. Du grand classique qui rappelle beaucoup le contexte de Forbidden Lands. Le village de Lisière est décrit en détail et sera logiquement la base du groupe d’aventuriers.
La boîte contient une campagne en 11 scénarios. Chaque scénario se jouant typiquement en une séance de jeu de 3 à 4 heures. Elle est assez modulaire et il est possible de la raccourcir à 5 scénarios en répartissant judicieusement les 4 morceaux de la statuette que les personnages doivent assembler pour arriver à la fin de l’aventure.
Les scénarios sont assez variés : si quelques uns sont de bons vieux donjons tout ce qu’il y a de plus classiques, d’autres sont bien plus originaux (je pense en particulier au Village du Jour d’Avant qui est pour moi le meilleur, à faire jouer absolument). Il est donc conseillé de demander aux joueurs, lors de la première séance, le nombre de scénarios qu’ils souhaitent jouer pour adapter la campagne en conséquence.
Il est aussi conseillé de lire tous les scénarios avant de les faire jouer car il peut être préférable d’en faire jouer certains avant d’autres. Certains scénarios sont en effet liés et les jouer dans le désordre ferait passer les joueurs à côté de certaines intrigues secondaires.
Un point important à noter est que la préparation des scénarios prend peu de temps et ne nécessite pas de prise de notes. En effet, les scénarios font typiquement 8 pages et chaque lieu comporte un petit texte de présentation que l’on peut lire aux joueurs. Ensuite chaque point d’intérêt, danger et direction à suivre est décrit dans une liste à puces. Il est donc possible de lire le scénario une fois puis de se laisser guider ensuite par le texte en cours de partie.
Il existe un Quickstart disponible gratuitement au format PDF. Il permet de se faire un idée des règles, même si elles ne sont pas complètes, faisant l’impasse sur la création de personnage par exemple. Il contient un scénario, Le Tertre du Chevalier et cinq personnages prétirés. Cependant, le scénario est particulièrement mortel et je ne recommande pas de le faire jouer tel quel comme initiation, au risque de dégoûter les joueurs. C’est un donjon très classique mais les adversaires sont trop costauds pour le groupe et il faut les rendre moins puissants sous peine de TPK.
Je n’ai fait jouer la campagne Dragonbane qu’avec les PDF, les ouvrages papiers n’étant pas encore parus, je ne parlerai donc pas de l’aspect matériel de la boîte et des ouvrages.
La mise en page et les graphismes sont vraiment exceptionnels. La mise en page, bien qu’assez chargée, est vraiment agréable (à mon goût bien sûr), dans les tons vert et parchemin. Les dessins de Johann Egerkrans sont vraiment très jolis et toujours dans le thème. Leur style peut être clivant parce que très typés et peu réalistes, mais je trouve qu’ils sont tout à fait adaptés pour du médiéval fantastique.
Je dois avouer avoir été un peu déçu lorsque j’ai appris que Dragonbane ne serait pas motorisé avec le Year Zero Engine. Mais après avoir fait jouer la campagne, je dois dire que mes craintes ont été dissipées. Mes joueurs ont beaucoup aimé diriger leur personnage dans la vallée de Valbrume et nous avons tous passé de très bons moments.
Même si le système n’est pas parfait, il est très fluide et facile à prendre en main. Sa difficulté modulaire permettra aux meneurs débutants de se lancer sans douleur. Quand aux joueurs, l’immersion dans l’univers est facilité par son caractère générique. Il ne faut pas s’attendre à participer à des intrigues politiques de haut vol ou être confronté à des situations humainement compliquées, mais l’aventure est bien au bout du chemin…
Le seul point négatif me semble être le temps mis par Arkhane Asylum pour localiser le jeu. La campagne de financement participatif a débuté en mars 2024, les PDF ont été mis à disposition des contributeurs en mai de la même année. Mais aux dernières nouvelles, la boîte et les ouvrages ne seront pas disponibles avant la fin de l’été 2025.
Ce jeu est pour vous si :
Ce jeu n’est pas pour vous si :
Enjoy!