Cette critique se penche sur le livre de base du jeu de rôle Things from the Flood.

Things from the Flood est la suite du jeu de rôle Tales from the Loop. Il se passe dans la décennie 90, soit environ dix années après Tales from the Loop. Les enfants sont devenu des adolescents et le monde dérape d’une utopie scientiste vers un enfer libéral.

Sommaire

  1. La vie après l’inondation expose l’évolution de l’univers et le système de jeu
  2. Le loop dans une nouvelle décennie détaille la Suède des années 90 alternatives qui constitue le cadre du jeu
  3. La catastrophe du barrage Hoover présente l’évolution du loop américain
  4. Les ados présente les éléments de la feuille de personnage
  5. Difficulté détaille le système de jeu
  6. Me mystère propose une structure générique pour les aventures appelées mystères
  7. L’environnement mystérieux détaille des lieux emblématiques de l’univers du jeu
  8. Les prophètes de Pandore présente la campagne qui termine le livre
  9. De chair et d’acier est le premier scénario de la campagne
  10. La hideur est la deuxième partie de la campagne
  11. Voyageuse est logiquement la troisième partie de la campagne
  12. Des cendres à l’éternité est la conclusion de la campagne

Le matériel

Le livre à couverture rigide compte 210 pages d’un papier mat assez épais. La couverture n’a plus cette texture étrangement caoutchouteuse de Tales from the Loop. La reliure est de belle qualité mais il n’y a pas de marque pages.

La mise en page, bien qu’assez classique sur deux colonnes, est très aérée. Mention spéciale pour le sommaire qui est extrêmement lisible avec une colonne qui liste les sections de chaque chapitre. C’est devenu le standard dans les productions de Free League.

Les illustrations sont nombreuses et d’une qualité exceptionnelle : l’univers du jeu est inspiré des art books de Simon Stålenhag. C’est très au dessus de la plupart des illustrations de jeu de rôle et cela donne à l’ouvrage un côté art book qui est très appréciable.

Il existe une édition deluxe encore disponible avec une couverture toilée rouge sombre. À part la couverture, le contenu est identique à l’édition standard.

Les règles

Les règles sont basées sur le moteur Year Zero de Free League et sont particulièrement simples, sans points de vie ni règles de combat. Si les personnages prennent des dégâts, qui sont représentés par des états comme blessé ou fatigué, ils peuvent être brisés et prennent alors une séquelle. À chaque séquelle, le joueur doit lancer un d6. Si le résultat du dé est strictement inférieur au nombre de séquelles, le personnage quitte la partie (le personnage meurt ou quitte la région, au choix du joueur). Les règles sont probablement la mise en œuvre la plus simple du moteur Year Zero Engine et sont donc particulièrement adaptées pour s’initier aux jeux de rôles et pour les maîtres de jeu novices.

Les bases du système sont extrêmement simples : les personnages sont définis par 4 attributs : Physique, Technique, Cœur et Intelligence. À chaque attribut sont liées 3 compétences. Pour réaliser un jet, on additionne la compétence et son attribut lié et on obtient le nombre de d6 à jeter. Il suffit d’obtenir un 6 sur un des dés pour réussir son action.

Il est possible de relancer un jet raté, on dit que l’on pousse le jet, mais au prix d’un état : Contrarié, Effrayé, Épuisé et Blessé. Lorsque les 4 états sont cochés, le personnage est brisé et donc hors jeu. Ce système est très simple et fonctionne très bien car il évite tout calcul : on jette les dés et on compte les 6. Cela fonctionne d’autant mieux si l’on a les dés spéciaux dont le 6 est orné d’un logo facilement reconnaissable.

La structure des mystères (ou scénarios du jeu) est assez moderne et probablement inspirée des préceptes exposés dans le livre The Lazy Dungeon Master. Dans cet ouvrage, Sly Flourish expose sa manière de préparer ses scénarios D&D : il décrit 3 lieux avec leur liaisons, 3 personnages non joueur et 3 trésors sur des fiches bristol, réduisant ainsi drastiquement le temps de préparation.

De la même manière, les mystères comportent ainsi 3 ou 4 scènes décrites succinctement plus une confrontation finale ayant des règles spécifiques. Un schéma indique les connexions entre les lieux et la confrontation finale. Les personnages non joueurs sont en nombre restreint et décrits à la fin du scénario. Ainsi les aventures sont rapides à préparer et assez ouvertes.

Les règles et les scénarios sont très digestes et ce livre de base est un vrai plaisir à lire. Il nous épargne les listes interminables de compétences ou des pages soporifiques de description de background.

Les différences de règles avec Tales from the Loop sont les suivantes :

  • La Fierté a été remplacée par la Honte sur la feuille de personnage
  • Il n’y a plus de points de chance
  • Un personnage peut maintenant avoir des séquelles s’il est brisé
  • Un personnage peut mourir, ce qui était impossible avec les enfants de Tales from the Loop

Les seuls reproches que je ferais en termes de règles sont les suivants :

  • Sur la feuille de personnage, les compétences ne sont pas regroupées avec les attributs, on doit donc faire des allés-retours entre compétences et attributs pour en faire la somme. Ce défaut a été corrigé dans les jeux suivants, comme Alien où les compétences sont disposées autour des attributs dont elles dépendent. C’est d’autant plus pénible dans Things from the Flood que les compétences ont été éloignées des attributs sur la feuille de personnage.
  • Les règles sont très semblables à celles de Tales from the Loop, il aurait été préférable de n’indiquer que les différences, mais j’ay reviendrai par la suite

L’univers

Le jeu s’inspire de l’univers que Simon Stålenhag a développé dans ses artbooks. Il a aussi inspiré une série diffusée sur Amazon Prime. Cet univers est une uchronie dans les années 90 où certaines technologies futuristes se sont développées (comme l’anti-gravité, le voyage dans le temps ou la robotique) dans les années 80 pour s’effondrer dans les années 90.

Autant le ton de Tales from the Loop était assez léger, autant celui de Things from the Flood est sombre. Tout se détraque : les robots deviennent fous, les vaisseaux à magnétrine ne fonctionnent plus et le modèle de la sociale démocratie scandinave s’effrite pour laisser place au capitalisme sauvage.

Les scénarios proposés ont ainsi des thèmes beaucoup plus adultes et je ne recommanderais pas de la jouer avec de jeunes enfants. Ils sont non seulement plus violents que ceux proposés dans Tales from the Loop, mais en plus certains thèmes peuvent être assez dérangeants, en particulier celui du premier scénario de la campagne.

On notera qu’il est prévu que les personnages vivent dans leur famille des scènes en relation avec leurs problèmes (un parent alcoolique, un père infidèle, etc). J’imagine que cela peut donner lieu à des parties intéressantes lorsqu’on fait jouer ses propres adolescents…

Les scénarios

Le livre de base propose une mini campagne de quatre scénarios. Les trois premiers sont assez courts et peuvent se jouer en une séance de 2 à 3 heures chacun. Le dernier demandera plutôt deux séances de jeu aux joueurs. Ils peuvent être joués indépendamment mais ont un lien entre eux.

Ils suivent les méfaits d’une équipe de scientifiques géniaux mais passablement dérangés. Sans être les meilleurs scénarios qu’il m’a été donné de lire, ils sont dans le thème et présentent des intrigues assez originales, bien que parfois un peu alambiquées. La difficulté est cependant assez faible et il ne faut pas hésiter à challenger un peu les joueurs sans quoi ils risquent d’avoir l’impression de jouer en chaussons…

Tales from the Loop ou Things from the Flood ?

On peut légitiment se poser la question de savoir s’il vaut mieux jouer à Tales from the Loop ou Things from the Flood. Pour commencer dans cet univers, et d’autant plus si vous êtes un maître de jeu débutant, je recommanderais de commencer par la boîte d’initiation qui offre un bon aperçu de l’univers et présente la quasi totalité des règles.

Le choix du livre de base est ensuite une question de goût : si l’on préfère un univers léger et enfantin on s’orientera plutôt vers Tales from the Loop. Si on préfère un univers plus sombre et adulte, on préférera dans doute Things from the Flood. En ce qui me concerne, je préfère Tales from the Loop, mais c’est tout à fait subjectif.

Conclusion

Things from the Flood est un bon jeu qui continue la gamme commencée par Tales from the Loop de bien belle manière. Cependant, je regrette que ce livre présente de nouveau toutes les règles. J’aurais préféré qu’on me présente uniquement les différences avec Tales from the Loop. Bien sûr cela obligerais à acheter Tales from the Loop pour se mettre à Things from the Flood, mais je suis convaincu que l’énorme majorité des joueurs ayant acheté Things from the Flood a commencé par Tales from the Loop.

Au delà des pages gagnées, qui auraient permis de proposer une campagne plus conséquente, cela ferait gagner beaucoup de temps à la lecture car on est obligé de relire entièrement les règles que l’on connaît déjà pour se faire une idée des différences. Ce procédé qui consiste à faire des extensions autonomes est une vieille habitude chez Free League qui a déjà utiliser ce principe pour les extension de Mutant Year Zero (avec Genlab Alpha, Méchatron et Elysium qui sont tous des jeux indépendants se passant dans l’univers de Mutant Year Zero).

Ceci dit, il m’a semblé comprendre d’une interview récente de Thomas Härenstam que la prochaine édition de Mutant Year Zero ne reprendrait pas ce principe d’extensions indépendantes. J’espère que cette idée fera son chemin pour les prochaines productions de Free League.

C’est pour vous si :

  • Vous aimez la série Amazon ou les artbooks de Simon Stålenhag
  • Vous aimez la série Stranger Things
  • Vous jouez avec des adolescents
  • Vous êtes un maître de jeu débutant
  • Vous souhaitez jouer en campagne

Ce n’est pas pour vous si :

  • Vous n’aimez pas la série d’Amazon et/ou les artbooks de Simon Stålenhag
  • Vous n’aimez pas la série Stranger Things
  • Vous aimez les jeux adultes et/ou violents
  • Vous aimez les systèmes de jeu complexes
  • Vous voulez tester à moindre frais (partez plutôt alors sur la boîte d’initiation Tales from the Loop)

Enjoy!